Marie Bassene met à l’honneur les savoirs diolas en Casamance

Marie-Christine Bassene se rend pour la première fois au Sénégal il y a 25 ans. Elle fait ce voyage pour connaître les racines de son mari et des ses deux enfants. Au fur et à mesure des années, elle passe de plus en plus de temps dans la ville natale de son mari : Brin, à quelques kilomètres de Ziguinchor. Elle décide d’y bâtir un écomusée de la culture diola, main dans la main avec les habitants du village.
Marie-Christine Bassene a été éducatrice spécialisée, formatrice et responsable de formation puis finalement directrice de l’Institut supérieur du travail social de Montrouge, en région parisienne. Désormais retraitée, elle consacre beaucoup de son temps à l’écomusée de Brin, qu’elle a construit petit à petit.
“Dès mes premiers séjours en Casamance, j’ai trouvé une terre d’accueil extraordinaire. Ma belle-famille m’a ouvert ses bras et j’ai découvert un autre mode de vie auquel j’ai adhéré avec un grand bonheur”, raconte t-elle. Par la suite, la famille Bassene refait régulièrement des voyages en Casamance. Une fois leurs enfants plus âgés, Marie-Christine a davantage de temps pour se consacrer aux terres dont son mari a hérité, à Brin. Les villageois adoptent le couple et Marie-Christine, surnommée Marie par les villageois se fait une place à part entière dans la vie brinoise.

“Depuis quelques temps déjà, nous avions commencé à investir modestement les terres familiales, en dessouchant, taillant, replantant…”, dit-elle. Progressivement, le domaine prend de l’ampleur : d’abord par le jardin, les animaux, la nouvelle maison, le musée, la dépendance… “Tout cela s’est bâti sur des années, pour devenir l’endroit où nous allons passer une bonne partie de notre retraite”, raconte Marie.
L’intégration à la vie du village s’est faite, elle aussi, progressivement : d’abord par la belle-famille, ensuite par les amis, les connaissances, etc. Très vite, Marie se rapproche des anciens. Elle partage avec eux des moments très forts, des discussions comme des silences.

“Ce qui est curieux dans la culture diola, c’est que lorsqu’on pose une question, on n’a jamais de réponse directe. Les réponses sont à décoder au fil des conversations. Mon initiation à la culture s’est faite ainsi, à leurs côtés, sans que je m’en aperçoive. J’ai mis un moment pour me décentrer de ma propre culture pour pouvoir investir celle des diolas », analyse-t-elle.
Marie engage alors un rituel hebdomadaire : les anciens étaient animistes catholiques et chaque dimanche, ils allaient à la messe près de la maison de Marie. Elle les invitait toujours après, à boire ou à manger quelque chose. “Tous les dimanches, c’était sacré. On parlait, on plaisantait, c’était toujours un moment de très grande joie”, confie-t-elle avec nostalgie.

Au fur et à mesure des échanges, Marie commence à penser aux objets, à ce qu’ils représentent culturellement. Ceux-ci sont souvent au centre des conversations : le kanyandou (grand outil pour creuser les sillons des rizières), les cuillers en bois… Cependant Brin ne possède pas beaucoup d’objets anciens. Marie commence alors à chercher ailleurs, toujours plus loin, dans un désir de mémoire, d’illustrer ces histoires qu’on lui contait. “Je sentais qu’un tournant sociétal s’opérait, que de nombreux savoirs ancestraux disparaissaient avec les nouvelles générations. Il fallait sauvegarder cette mémoire avant de la perdre”, dit-elle.
En pirogue ou en voiture, Marie-Christine part donc en quête d’objets du quotidien ou rituels. Le temps passe, et un jour, tous les anciens sont partis. Marie se sent cruellement orpheline : “Il fallait que je fasse connaître tous ces savoirs, et le faire en leur honneur”, raconte-t-elle.

Marie choisit d’abord d’exposer les objets dans une case à impluvium à l’écart de son domaine. Mais, avec le temps, celle-ci est détruite par le sel. Alors elle repense le projet. Elle décide d’investir un ancien bâtiment du domaine qu’elle réaménage complètement. “Une case à impluvium est assez sombre, les objets ne sont que trop peu mis en valeur. Là, j’ai favorisé la lumière, la fraîcheur ainsi qu’une scénographie faisant entrer peu à peu, pièce par pièce, dans la culture diola. La vie quotidienne, les occupations, les rituels…” détaille-t-elle.
Marie réalise un partenariat avec le centre linguistique de recherche anglaise établi à Brin. Les explications du musée sont donc en sept langues : quatre internationales et trois locales afin de représenter la Casamance dans toute sa diversité.
“Ce petit musée a aussi une dimension écologique : plus on connaît l’utilisation passée des outils, plus on réalise que cela tenait à coeur aux anciens de ne pas abîmer la terre ; ce qui n’est plus la préoccupation principale dorénavant. Ils n’utilisaient que ce dont ils avaient besoin, c’est une grande leçon d’humilité sur la consommation”, estime Marie-Christine. Pour réaliser son écomusée, elle a fait travailler de nombreuses personnes, notamment des artisans de Ziguinchor et de Brin.

Le musée est aménagé à côté d’un grand enclos d’autruches, curieuses, qui accompagnent les visiteurs. “Les autruches sont arrivées au domaine en 2000”, raconte Marie. “C’est mon mari qui a voulu les ramener car son père se souvenait de ces oiseaux qui couraient très vite et qui ne volaient pas, que l’on attrapait avec un filet de pêche”, dit-elle. Désormais, il y en a 6 dont une née sur la propriété, il y a un an.

Et pour terminer la visite, une petite boutique de souvenirs, avec des oeufs d’autruche peints par un artisan du village et des bijoux , réalisés avec des coquilles et des plumes d’autruche. “J’aimerais agrandir le musée. Mais aussi proposer un bar à jus avec les fruits du verger, et peut-être une maison d’hôte dans la dépendance”, confie Marie, pensive. Une chose est sûre, avec Marie, pas le temps de s’ennuyer !
Visite sur réservation auprès de Jean-Noël Bangui au 77 417 44 40.
Prix : 1500 FCFA
source: lepetitjournal.com